mercredi, septembre 19, 2007

Hôpitaux: contre la démission du politique


En avril 2006, le « rapport Vallancien », du nom de son auteur, urologue réputé de la clinique Montsouris à Paris, recommandait la fermeture de 113 hôpitaux dits « de proximité » en France. Le 4 septembre 2007, Bernard Debré, non moins réputé médecin et Député de Paris, se fendait d’une tribune dans Le Monde, demandant la fermeture – ou la « modernisation » - de « 1000 de nos 3000 établissements ». Les raisons invoquées par ces tenants du courant de pensée dominant en matière de santé ?

Tout d’abord, la sécurité. Les petits hôpitaux, de par le faible nombre d’actes pratiqués à l’année, ne disposeraient pas du savoir-faire permettant d’assurer de bonnes conditions de sécurité aux patients. C’est omettre deux facteurs. Le premier tient à l’indicateur utilisé : le nombre d’actes par hôpital par an. En dessous d’un certain seuil (dont la définition n’a rien de scientifique et n’a donné lieu à aucun débat contradictoire), l’hôpital ne saurait plus opérer. C’est faire un bien grand honneur à nos établissements que de les personnaliser ainsi. Jusqu’à nouvel ordre, ce sont des chirurgiens qui opèrent, des sages-femmes qui assistent les futures mamans et les infirmières qui prodiguent des soins. Or, si l’on prend la peine d’étudier d’un peu plus près les réalités de terrain, on s’aperçoit que les professionnels de santé des petits hôpitaux présentent selon cet indicateur (le nombre d’actes/professionnel/an) un bien meilleur ratio que ceux des grands hôpitaux. Le second facteur occulté par les analyses rapides de nos « experts » relève du bon sens : dans certaines régions isolées, la fermeture d’un plateau technique parfois déjà éloigné rallonge les délais de prise en charge des patients (urgences, maternités) et augmente d’autant la prise de risque inhérente à ce trajet. Les palliatifs avancés, notamment par Guy Vallancien, comme le transport héliporté ou les SMUR, font sourire les professionnels de l’urgence,tant l’utilisation de tels moyens restent soumis à des conditions de luminosité et de météo.

Ensuite, le coût. L’hôpital représente 50% du budget de la Sécurité Sociale, qui souffre du déséquilibre budgétaire (dépenses trop importantes et recettes insuffisantes) que l’on connaît. Les plus petits plateaux techniques, « coûteux », devraient donc être fermés, afin de concentrer l’effort sur les hôpitaux de pointe. C’est oublier que plusieurs études montrent l’économie réalisée à rapprocher les possibilités de prise en charge des patients et que certaines pathologies (les actes les plus nombreux) ne demandent pas de matériel ultraperfectionné pour être prises en charge (appendicites, points de suture…).

Enfin, la pénurie de médecins et d’infirmières dans ces petits hôpitaux. On touche là à la démission du politique face à un état de fait. Quoi d’étonnant à ce que les professionnels, volontairement maintenus en sous-nombre via un numerus clausus inadapté, rechignent à exercer dans des établissements que l’on présente depuis de nombreuses années, à grand coups de rapports et de déclarations publiques, comme vouées à la fermeture ? Quoi d’étonnant à ce qu’en l’absence de mesure incitative et en vertu de la « liberté d’installation », les praticiens – généralistes comme spécialistes – choisissent les villes et le Sud ? S’il y a un domaine où le mot de planification a encore un sens, c’est bien en matière de santé. Les Français doivent être égaux face à la santé, le politique doit être le garant de cette égalité, et non celui qui constate un état de fait.

Le politique doit réinvestir massivement la santé, avant que des fractures irrémédiables n’apparaissent, dynamitant un corps social qui n’en a pas vraiment besoin. Les autorités administratives compétentes (les Agences Régionales d’Hospitalisation notamment) doivent être réformées afin d’assumer un véritable rôle de planification sanitaire, et de s’ouvrir à plus de concertation locale et d’évaluation des besoins. Un moratoire doit être déclaré sur les fermetures d’hôpitaux et de maternités, jusqu’à ce qu’un débat national vienne éclairer les choix qui sont fait, chaque jour, en matière de santé publique.