lundi, janvier 29, 2007

Israël-Palestine: ce que l'UE peut faire

Revival! Pour les 8 irreductibles qui continuent de venir quotidiennement sur le site alors que je n'ai rien posté depuis un mois, un article écrit par votre serviteur pour Le Taurillon que je vous livre en avant-première! Commentaires bienvenus!


Dans un article paru le 30 novembre 2006 dans le Palestine Times, Javier Solana, Haut Représentant pour la PESC de l’UE, déplorait la « situation intolérable » des Palestiniens, les assurant qu’il « saisit chaque opportunité de demander aux Israéliens de démanteler les avant-postes [de l’armée israélienne] et les colonies, ainsi que de revoir le tracé de la barrière de séparation. »

Depuis, les Israéliens ont annoncé la construction d’une nouvelle colonie à Maskiot dans la Vallée du Jourdain, le démantèlement « prochain » de 27 checkpoints sur plus de 400 en Cisjordanie, et la situation inter-palestinienne n’a jamais été aussi tendue, notamment dans la Bande de Gaza. D’après le site du Haut Représentant pour la PESC, sa dernière communication de fond concernant la région remonte au 8 novembre 2006, date à laquelle Solana « condamnait dans les termes les plus forts » l’opération israélienne de la veille qui avait coûté la vie à 18 civils à Beit Hanoun.

Est-ce à dire que l’Union Européenne est impuissante à peser sur le cours des évènements au Proche Orient ? A première vue, oui. La difficulté globale de l’Union de parler d’une seule voix en matière de politique étrangère est soulignée dans le cas d’Israël-Palestine par la constance et la force de la voix étatsunienne, qui s’est toujours montrée intransigeante quant à la « sécurité » de l’Etat d’Israël et relativement accommodante quant aux conditions de vie des Palestiniens. Une éventuelle sortie de crise est unanimement perçue comme nécessitant l’appui des Etats-Unis, maîtres du jeu dans la région.

Pourtant, l’Union Européenne n’est pas inactive. Malgré la suspension des aides à l’Autorité Palestinienne depuis la victoire du Hamas en mars 2006, 655 millions de dollars ont été transférés de l’Union vers les territoires palestiniens l’année dernière (soit une augmentation de 19% par rapport à 2005), via divers mécanismes permettant de contourner le gouvernement. Grâce à ce transfert d’argent ainsi qu’à des prises de position plus nuancées que celles des Etats-Unis, l’Union est considérée avec bienveillance par les Palestiniens. En Israël, une majorité de la population reconnaît à l’Europe une position de médiateur fondamental dans la région. Poiurtant, en dépit de ces sympathies, l’Union est perçue comme jouant un rôle marginal dans le processus de paix.

C’est pourquoi l’Union doit se concentrer sur ce qu’elle sait faire : des politiques structurelles bien ciblées, qui misent sur le long terme, plutôt que de pêcher par excès d’ambition à grand renfort de communiqués de presse sans effet.

C’est que le conflit, s’il est essentiellement territorial, est aussi conflit de perceptions. Perceptions de l’Histoire tout d’abord, comme le reconnait l’Initiative pour l’Alliance des Civilisations dans son rapport rendu public le 13 novembre 2006 : le groupe de sages mis en place par Kofi Annan avec le concours des premiers ministres espagnol, José Luis Zapatero, et turc, Recep Tayyip Erdogan, préconise la rédaction d’un Livre blanc du conflit pour accorder « deux narrations en compétition ». Mais aussi perceptions de l’Autre : une paix durable ne s’installera que lorsque l’altérité sera devenue au minimum neutre, et non plus synonyme de dangerosité ou d’hostilité.

Histoire et altérité, auxquelles on pourrait ajouter éducation aux médias et religion : autant de domaines d’études auxquels israéliens et palestiniens gagneraient à travailler ensemble. Cependant, les circonstances actuelles et prévisibles à moyen terme font qu’il leur est quasiment impossible de mettre en place des programmes d’échanges universitaires durables sur le terrain. L’Union a un rôle à jouer : en permettant à des chercheurs et des étudiants israéliens et palestiniens de travailler ensemble, sur son territoire et de concours avec des étudiants et chercheurs européens, elle poserait les bases d’une meilleure connaissance réciproque des deux peuples, préalables à une meilleure entente.

Les lignes budgétaires nécessaires à un tel programme existent partiellement. Le programme Euromed, dont un des trois piliers affirmés dans la déclaration de Barcelone est de « favoriser la compréhension entre les cultures et le rapprochement des peuples dans la région euro-méditerranéenne et développer des sociétés civiles libres et florissantes », le septième Programme Cadre de Recherche et de Développement (PCRD), dont l’Objectif 3 est de « résoudre des problèmes précis auxquels les pays tiers sont confrontés ou des problèmes de portée mondiale » ou même un programme Erasmus élargi sont autant d’outils préexistants qui pourraient permettre, tels quels ou légèrement modifiés, de mettre en place une politique de coopération fructueuse.

En favorisant le rapprochement des communautés universitaires israélienne et palestinienne, l’Union Européenne agirait comme un médiateur de choix et serait hôte de négociations diffuses entre des acteurs influents au sein de leurs systèmes politiques et culturels respectifs. La mise en place d’une telle politique structurelle n’est pas une « solution miracle » et ne saurait se substituer au processus de paix. Cependant, en l’absence de perspectives de négociations à court terme et au vu de la dégradation de la situation sur le terrain, elle permettrait, peut-être, de semer les graines d’une paix future, en s’appuyant sur les leviers de l’éducation et de la culture. Une opportunité à saisir.

2 commentaires:

piwai a dit…

Question:
Que penses-tu de la condamnation publique par les USA de l'utilisation par Israël de bombes et munitions à fragmentation d'orgine etatsunienne?
Cette condamnation est la premiere du genre.
Penses tu qu'on est peut etre à un tournant dans la diplomation américaine, qui plutot que privilégier le "tout Israel" aux dépends des groupes palestiniens (et encourager la montée de la haine envers leur pays), privilegie une approche plus tempérée

(bien que je ne te caches pas que le fait d'avoir fait refusé à Israel la médiation de la Syrie réfute un peu ce que j'avance en terme de températion des relations US-Proche Orient)

Unknown a dit…

est ce que tu penses que la victoire des démocrates peut infléchir la position des USA sur leur défense inconditionnelle d'Isarael?