lundi, mai 07, 2007

Une vision israelienne de la colonisation

ATTENTION: CARTE DE 2002, POUR INFORMATION GENERALE. VISITER LE SITE DE BTSELEM POUR MISES A JOUR.


Rencontre avec Michel Warschawski, Alternative Information Center, 07/05/2007, Jerusalem
Compte rendu brut.


La colonisation des territoires occupes en 1967 repond a une logique tres pointue et perverse.
Elle repond a des objectifs differents en Cisjordanie et autour de Jerusalem.

En Cisjordanie, l'objectif est spatial, et non demographique. En effet, il est tres rapidement apparu aux Israeliens qu'il leur etait impossible de vouloir rattraper la population arabe et de judeiser ainsi la Cisjordanie. La question est alors de savoir comment creer progressivement une extension d'Israel dans des zones peu peuplees, afin d'integrer ces colonies au territoire israelien. 90% des colons de Cisjordanie se trouvent aux marges. Les petites colonies au coeur de la Cisjordanie sont maintenues soit comme future monnaie d'echange soit comme concession au colons ideologiques, mais elles posent probleme et ne rentrent pas dans le plan global de colonisation.

A Jerusalem, l'objectif est clairement demographique. L'idee de "Jerusalem reunifiee", qui justifie la colonisation autour de la Vieille Ville, a l'est, est une mystification. Les limites de la municipalite de Jerusalem, decidees en 1967 par les Israeliens, ne correspondent a aucune realite, et recouvrent des quartiers qui n'ont jamais ete, depuis les temps bibliques, consideres comme Jerusalem. Ces frontieres s'arretent a Ramallah au Nord, a Bethlehem au Sud, et a Abu Dis a l'est: le plus de surface possible, avec le moins de Palestiniens possible. Par exemple, dans la region de Bethlehem, les terres de Beit sahour ont ete confisquees et sont devenues la colonie de Har Oma, celles de Beit Jela sont devenues Gilo, le Mur gardant a l'exterieur (ou a l'interieur, suivant la perspective adoptee...) les palestiniens. En 1967, il y avait a Jerusalem (Est et OUest) 70% de Juifs et 30% d'Arabes (chretiens et musulmans). Depuis, tout a ete fait pour maintenir cette proportion; objectif atteint puisqu'on compte aujourd'hui environ 200 000 juifs a l'Ouest, 200 000 colons a l'est et 200 000 palestiniens a l'est. Un comite interministeriel pour Jerusalem est responsable de la politique de judeisation de la Ville depuis 1967. Tres bon fonctionnement, avec la mise en place de 4 axes strategiques:

1)Amenagement du territoire, via les "zones vertes", qui sont les zones non construites en 1967 entre les villages palestiniens de Jerusalem-est et qui ont ete interdites a la construction par Israel, empechant l'extension naturelle des villages. les habitants ont le choix entre construire dans ces zones sans permis (=> destruction) ou quitter les limites de Jerusalem et perdre ainsi leur statut de resident.

2)Politique de regroupement familial qui interdit dans l'immense majorite des cas a un(e) Palestinien(ne) venant de l'exterieur des limites etendues de Jerusalem de rejoindre son/sa conjoint(e) a l'interieur de ces limites. La encore, les menages n'ont d'autres choix que de s'installer hors des limites. (NB: les palestiniens de Jerusalem est ont le statut de resident sur le territoire israelien (dans leur propres villages), comme un francais qui souhaiterait habiter en Israel. Ce statut, considere comme un cadeau d'Israel, peut se perdre en cas d'absence prolongee (etudes, travail...) de Jerusalem, generant un grand nombre d'apatrides).

3)La politique de colonisation: les zones vertes, qui recouvrent des terres utilisables par leurs proprietaires palestiniens (sauf pour la construction), peuvent etre expropriees "dans l'interet public" (comme dans tout pays avec systeme d'occupation des sols moderne)...sauf que cette expropriation de proprietaires palestiniens se fait EXCLUSIVEMENT au profit de nouvelles habitations israeliennes (colonies).

4) Le Mur. Des 1992, les bouclages ont commence a couper Jerusalem du reste de la Cisjordanie. Jerusalem etait le coeur economique, culturel, politique, social, etc. de la Cisjordanie. Avec cette politique de coupure des arteres, le coeur est mort. Ainsi de l'hopital de Jerusalem, hopital national. Avec les bouclages, cet hopital est devenu disproportionne par rapport a la population qui y avait acces, en meme temps que la population de Cisjordanie connaissait de graves carences en terme d'acces a la sante. Dilemne pour les Palestiniens: ratifier cette mort de Jerusalem et creer un hopital a Ramallah ou continuer a "faire comme si". Resultat de cette politique : tous les cadres sociaux, politiques et economiques sont partis hors les limites de la Ville.

En CIsjordanie, plus qu'une politique de controle (ICAHD), c'est d'une politique d'insularisation qu'il s'agit: il faut passer d'une situation ou les colonies sont des ilots au milieu de terres et de villages palestiniens, a une situation inverse ou ce sont les villages palestiniens qui sont des ilots. Principe geometrique de base : dans un espace a deux dimensions, il est impossible de concilier uen continuite palestinienne et une continuite israelienne. Pour Sharon, priorite a la continuite israelienne, dans la droite ligne de Ben Gurion (plus que de la droite israelienne): peu importent les symboles (un Etat Palestinien? Avec un President?), ce qui compte c'est le concret. Cependant, les Etats Unis tiennent a une "contiguite" des territoires palestiniens => passage a un espace en trois dimensions, avec des ponts et des tunnels pour assurer les 2 continuites.

Parenthese sur la "deuxieme Intifada": pour M.W., erreur de perception, car si la premiere intifada a ete un soulevement palestinien, ce qu'on appelle la seconde INtifada a ete la REACTION palestinienne a un plan israelien de reconquete des concessions des annees 1990 qui s'est mis en place a la faveur d'un reframing du conflit (on passe d'une lutte pour la souverainete a une expression du terrorisme mondial).

Les perspectives: du cote israelien, on a oublie les palestiniens, qui ne sont plus qu'un eczema superficiel. En aucun cas besoni d'aller chez le medecin, encore moins d'amputer: on peut bien vivre en l'etat. Cote palestinien, fort retrait sur soi meme: on cherche avant tout a faire vivre sa famille, sa ville, a envoyer ses enfants etudier a l'etranger. Les 6 dernieres annees ont epuise les palestiniens, qui reprennent leurs forces. Mais pas abandon, plutot patience, couplee a une forte consicience de l'Histoire : "ca sert a rien de s'exciter, on en a vu d'autres, ca finira par passer, comme toutes les autres occupations" (les palestiniens ont ete occupes 36 fois). En parallelle, deliquescence de la societe israelienne, avec ghettoisation et pauperisation, sans parler de la defaite militaire de l'ete 2006.

Comment concilier une politique de colonisation avec les imperatifs juridiques et internationaux de gel de cette meme colonisation? AU moment du trace des limites des colonies, les militaires ont pris soin de faire des limites tres larges, recouvrant toutes les terres, jusqu'a la colonie voisine, couvrant ainsi toute la zone c. Du coup, possibilite de creer une nouvelle colonie sur une nouvelle colline en disant que ce n'est qu'une extension de la colonie existante, qui peut etre tres loin (Maale Adunim fait aujourdhui plus de 20km de long...).

Lieberman, president du Conseil des colons de Cisjordanie: c'est une illusion de vouloir assurer majorite juive en Cisjordanie. L'idee est plutot de garantir une continuite avec Israel aux colons, en modifiant le paysage. Il est tres important de marquer le paysage, par des stations essences, des zones industrielles fantomes, des drapeaux, pour donner l'illusion aux colons de ne pas quitter Israel, meme quand ils sont au coeur de la Cisjordanie. Ainsi, meme avec peu de colons, on en vient a oublier les palestiniens.

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